﷽
Sourate Maryam
(Marie)
Récitée par Cheikh Saad-El-Ghamidi
Nom
Cette sourate tire son nom du verset 16 : "Mentionne, dans le Livre (Coran), Marie, quand elle se retira de sa famille en un lieu vers l’Orient ".
Période de Révélation
Cette sourate fut révélée avant l’émigration d’un petit groupe de musulmans en Abyssinie. En témoigne le récit authentique selon lequel Ja`far récita les quarante premiers versets de cette sourate devant le Négus, roi chrétien d’Abyssinie, lorsque celui-ci convia les musulmans à sa cour.
Contexte historique
Nous avons déjà évoqué brièvement la situation au cours de cette période dans l’introduction à l’exégèse de la sourate 18, Al-Kahf. Ici, nous irons plus en avant dans les détails de cette situation, détails que nous permettrons de mieux comprendre la signification de cette sourate, ainsi que d’autres révélées à peu près à la même époque.
Quand les notables de Quraysh comprirent que ni les moqueries ridicules, ni les promesses mirifiques, ni même les fausses accusations ne permettraient jamais d’éradiquer le mouvement islamique naissant, ils eurent recours à la persécution, à la torture et aux embargos économiques. Ils traquèrent les musulmans de leurs tribus et et de leurs clans et tentèrent de les contraindre à abandonner l’Islam en les affamant, en les torturant et en les persécutant. Parmi les victimes, les pauvres, les esclaves et ceux qui bénéficiaient de la protection des Qurayshites furent ceux qui souffrirent le plus. Ils furent torturés et battus, affamés et assoiffés, gardés étendus de longues heures sur le sable brûlant de La Mecque. Ils devaient travailler pour les Mecquois sans jamais être payés pour leur travail.
En guise d’illustration, nous citons le cas de Khabbâb Ibn Al-Aratt, cas référencé parmi les anecdotes authentiques par Boukhârî et Mouslim. Khabbâb raconte : "Je travaillais comme forgeron à La Mecque. J’exécutai un jour un travail pour Al-`Âs Ibn Wâ’il mais quand je lui demandai de me payer, il me répondit qu’il ne me paierait qu’à la condition que je renie Mohammed. "
Dans la même veine, Khabbâb dit : « Un jour que le Prophète était assis à l’ombre de la Ka`bah, je le rejoins et lui dit : "Ô, Messager d’Allah ! Les persécutions connaissent aujourd’hui une tournure extrême. Que n’invoques-tu pas Allah pour qu’Il nous soulage ? À cet instant, le Prophète parut grandement irrité. Il me répondit que les croyants avant nous avaient subi des épreuves plus grandes encore. Il décrivit comment on avait gravé sur leurs os avec des peignes en fer, comment on les avait décapités avec des scies, et comment pourtant ils n’avaient jamais abjuré leur foi. Le Prophète me jura ensuite qu’Allah accomplirait cette mission et qu’il viendrait un temps où la paix serait telle que les gens pourraient se rendre seuls depuis San`â’ 1 à Hadramawt 2 en n’ayant rien à craindre hormis Allah. Le Prophète conclut en disant que les gens étaient bien impatients " 3.
Les conditions de vie à La Mecque devenues insupportables pour les Musulmans au cours du mois de Rajab 4 de la cinquième année de la mission prophétique, le Prophète recommanda aux Compagnons d’émigrer en Abyssinie. Un roi qui ne tolérait pas une once d’injustice envers quiconque régnait sur ce riche royaume. Il leur conseilla d’y rester jusqu’à ce qu’Allah leur donne une autre issue à leur malheur.
Ainsi, ce sont d’abord onze hommes et quatre femmes qui quittèrent les premiers La Mecque pour l’Abyssinie. Les Qurayshites les poursuivirent, mais par bonheur, ils eurent juste le temps d’embarquer au port de Shu`ayba et ils furent sauvés. Puis, quelques mois plus tard, d’autres musulmans les rejoignirent et ce fut en tout quatre-vingt-trois hommes et onze femmes des tribus de Quraysh et sept musulmans appartenant à d’autres tribus qui se retrouvèrent en Abyssinie. Seuls quarante personnes restèrent à La Mecque avec le Prophète .
Ces départs firent grand bruit à La Mecque et contrarièrent vivement presque chaque clan qurayshite qui perdait là, qui un fils ou une fille, qui un frère ou une sœur. Parmi les émigrants, on comptait même des proches de Aboû Jahl, de Abû Sufyân et d’autres notables de La Mecque parmi les plus farouches ennemis des musulmans. Ces départs les rendirent plus acharnés encore à l’encontre de l’islam. Cependant, d’autres Mecquois furent si émus par cet exil qu’ils se convertirent aussitôt. Omar lui-même fut terriblement marqué par cet événement et l’une de ses proches, Laylâ Bint Hathmah raconte : "Je faisais mes bagages pour quitter La Mecque quand mon époux, `Amr Ibn Rabî`ah sortit. Omar entra et me regarda préparer mon voyage. Il me dit : "Allez-vous, vous aussi, partir d’ici ?". Je répondis "Oui, par Allah, vous autres nous avez beaucoup trop fait souffrir. Mais la terre entière d’Allah nous est ouverte et nous partons là où Allah nous promet la paix". C’est alors que je remarquai sur le visage de `Omar des signes d’émotions que jamais auparavant, il n’avait montrés. Mais il dit simplement : "Qu’Allah soit avec vous où que vous alliez.". "
Après cette émigration, les Qurayshites tinrent conseil et prirent la décision d’envoyer en Abyssinie `Abd Allâh Ibn Abî Rabî`ah, le demi-frère dz Abou Jahl et `Amr Ibn Al-`Âs, chargés, au moyen de précieux cadeaux, de persuader le Négus de renvoyer les immigrants à La Mecque. Notre Mère Oum Salama 5, qui avait émigré, détaille cette partie de l’histoire : "Quand ces deux habiles négociateurs arrivèrent en Abyssinie, ils distribuèrent les cadeaux aux courtisans du Négus et parvinrent à les persuader d’intercéder auprès du monarque pour renvoyer les immigrants. Ensuite, ils rencontrèrent le Négus lui-même et, tout en lui offrant de sublimes cadeaux, lui dirent : "Des gamins entêtés de chez nous se sont enfui ici et nos chefs vous sollicitent afin que vous ayez l’amabilité de les renvoyer chez eux. Ils ont en effet renié notre foi sans pour autant adhérer à la vôtre, mais ont carrément inventé un dogme entièrement nouveau". Dès qu’ils eurent achevé leur réquisitoire, les courtisans intercédèrent en leur faveur : "Nous devons renvoyer ces gens chez eux, car leur peuple les connaît mieux que quiconque. Il ne serait pas juste que nous les gardions chez nous". Le monarque parut quelque peu ennuyé et dit : "Je ne peux les renvoyer sans autre forme de procès. Il est juste d’entendre d’abord leur plaidoyer. Parce que ces gens nous ont fait confiance, nous, à l’exception des autres et ont cherché refuge chez nous, je ne les trahirai pas. D’abord, je les ferai venir et leur demanderai des comptes au sujet de ce dont ces deux hommes les accusent. Alors seulement, je prendrai une décision ". Puis, il fit venir les musulmans immigrés à la cour.
Quand les musulmans reçurent le message du Négus, ils se rassemblèrent pour réfléchir ensemble au discours à tenir. Ils décidèrent d’un commun accord de présenter au roi les enseignements précis du , sans ajouter ni enlever le moindre élément, et de lui laisser ensuite prendre sa décision à leur sujet. Quand ils pénétrèrent à la cour, le roi n’y alla pas par quatre chemins : "J’ai appris que vous avez abandonné la religion de votre peuple, et que vous n’avez adopté aucune autre religion existante, pas plus la mienne qu’une autre. Dites-m'en plus sur ce nouveau dogme ". C’est Ja`far Ibn Abî Tâlib qui prit la parole, au nom des immigrés. Il improvisa alors un discours : "Majesté ! Nous étions perdus dans une profonde ignorance et nous étions dépravés. C’est alors que Mohammed est venu à nous en tant que Prophète d’Allah et qu’il n’a eu de cesse depuis de nous faire sortir de l’état où nous étions plongés. Mais les Qurayshites nous ont persécutés et nous sommes venus chez vous dans l’espoir qu’enfin cesse notre calvaire". Le roi lui demanda alors de lui réciter quelque chose de ce qu’Allah avait révélé à leur Prophète . Ja`far récita la partie de la sourate Marie qui évoque l’histoire des Prophètes Jean-Baptiste et Jésus . Le Négus écouta la parole d’Allah et des larmes ininterrompues coulèrent sur ces joues. Lorsque Ja`far eut terminé, le roi dit : "Cette révélation provient assurément de la même source que le message de Jésus. Par Dieu, je ne vous laisserai jamais aux mains de votre peuple ".
Le lendemain, `Amr Ibn Al-`Âs se rendit chez le Négus et lui dit : "Majesté, veuillez les rappeler pour qu’ils vous parlent de leur croyance au sujet de Jésus , fils de Marie. Je crois savoir qu’ils disent de lui des choses blasphématoires". C’est ainsi que les musulmans, qui entretemps avaient été mis au courant de la stratégie de `Amr, furent de nouveau invités à la cour. Comme la veille, ils se consultèrent sur la meilleure réponse à donner au roi sur le Prophète Jésus . Bien qu’ils fussent dans une situation extrême, ils décidèrent de dire mot pour mot ce qu’Allah et Son Messager leur avaient enseigné. À la cour, le roi leur posa la question attendue et Ja`far répondit sans la moindre hésitation : "Jésus était un Serviteur et un Messager d’Allah. Il était un Esprit de la part d’Allah et Sa Parole qu’Il a jetée vers Marie". C’est alors que le Négus ramassa une paille sur le sol et déclara : "Par Dieu, la différence entre nous et vous au sujet de Jésus n’est pas plus grande que cette paille ". Il rendit aux Qurayshites leurs présents et dit : "Je n’accepte pas vos pots-de-vin". Puis s’adressant aux immigrés : " Vous pouvez vivre ici en parfaite sérénité ".
Thèmes de la sourate
Après le récit des Prophètes Jean-Baptiste et Jésus qui s’étend sur les quarante premiers versets, c’est l’histoire du Prophète Abraham qui est brièvement évoquée (versets 41 à 50). Celle-ci est également bénéfique pour les émigrés puisque, comme eux, il avait jadis été obligé de quitter sa patrie à cause de la persécution dont il était l’objet de la part de son père, de sa famille et de ses compatriotes. D’une part, ces versets contribuèrent à consoler les émigrés qui suivaient les traces de leur père Abraham et pouvaient espérer parvenir au même résultat que lui. D’autre part, ce fut l’occasion d’avertir les mécréants de La Mecque qu’ils feraient bien de prendre conscience qu’ils jouaient là le rôle de ceux qui jadis avaient persécuté leur aïeul et guide, alors que les émigrés musulmans avaient celui de d’Abraham lui-même.
Ensuite, Allah évoque la vie d’autres Prophètes, entre les versets 51 et 65, pour affirmer que Mohammed avait apporté un style de vie identique à ceux apportés par les Prophètes précédents, mais que leurs partisans s’en étaient détournés.
La conclusion (du verset 66 au 98) consiste en une rude critique à l’encontre des mécréants de La Mecque. Puis, Allah donne aux croyants la bonne nouvelle du succès. Tout le monde les chérira bientôt, malgré tous les obstacles dressés par les ennemis de la vérité.
1 - San`â’ est la capitale actuelle du Yémen et est située à l’ouest du pays.
2 - Hadamawt est une ville du Yémen située à l’est du pays.
3 - Hadith rapporté par Al-Boukhârî
4 - Rajab est le septième mois lunaire et fait partie des quatre mois sacrés.
5 - Umm Salama sera par la suite une des épouses du Prophète.
Interprétation de la sourate - Tafsir Smaïl abn Kathir
Nous prions Allah de nous conduire sur le chemin de la vérité et de nous aider à le suivre avec patience et assiduité. De nous indiquer le faux et de nous aider à l’éviter. Louange à Allah, Seigneur des mondes. Que la paix et le salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed , sur sa famille et tous ses compagnons .
Wa Allâhou A’lam
Allah est le plus savant
Le savoir parfait appartient à Allah, et notre dernière invocation est qu'Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed , ainsi que sur sa Famille, et qu’Allah soit satisfait de ses successeurs (califes) bien dirigés : Abou Bakr, 'Omar, 'Othman et Ali et les autres compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.
Qu'Allah nous protège tous contre le mal des mauvais caractères et des passions, il est certes celui qui entend les invocations, et c’est celui vers qui est l’espoir, il nous suffit et est notre meilleur garant.
Si j'ai écrit quelque chose qui contredit ce qu'Allah dit, ou ce que le Prophète Mohammed a dit, fait ou toléré, ou un principe établi par consensus, il s'agit d'une erreur de ma part et l'influence du diable, cela est à délaisser. Seul le Prophète Mohammed est infaillible dans ce qu'il a dit ou a fait. Seul Allah est Parfait.
Je demande humblement à Allah de m'accorder la sincérité dans l'intention et Sa Clémence et d'unir tous les musulmans
sous la bannière du Prophète Mohammed afin que nous soyons parmi les gagnants le Jour du Jugement.